Julien Marcland a écrit un premier roman autobiographique, « Au commencement… », puis un recueil de nouvelles, « La jeunesse est éternelle », et quelques autres tentatives de fictions encore inédites comme « Un jour neuf », « Galets », ou « Le Séjour ».
Extrait d’« Un jour neuf », inédit, premier chapitre :
1.
« Çà le faisait râler la lumière en ce premier jour de l’an sur le chemin de la Venta, dans les Pyrénées. Çà l’aveuglait, il disait. Il préférait l’obscurité, rester dans le noir, ne rien faire, tourner en rond dans sa tête vide enfumée, devant un écran stupide, que d’être là même à regarder l’océan sur le rivage. Çà lui faisait plus rien tout çà : dieu, le temps, le sens de la vie, le malaise de la société, les races (à part les niaqwés, les « jaunes », dont il haïssait les hommes autant qu’il aimait les femmes qui seules savaient le rassurer), il s’en foutait ou çà le faisait ricaner bêtement, l’origine du monde, l’amour… à pleurer… Cette manivelle des idées ne faisait plus rien remonter en lui, pas un plateau repas digne de ce nom, pas un décor de théâtre enchanteur, rien. Il avait coupé les ficelles de son histoire il semblait ; il n’y avait plus d’intrigue à rien, plus de questions, plus de désirs ni de ciel bleu. Il descendait un escalier sans fin dans les coulisses de ce théâtre grotesque qu’était devenu son moi. A l’abri des regards surtout, caché, sans l’embryon même d’une lumière, d’un phare pour l’orienter ou l’apaiser. Je le vois encore absent, éteint, en ce jour de l’an regarder l’océan d’en haut sur la colline, ou râler encore en buvant un autre verre devant l’omelette aux cèpes succulente de l’auberge. Plus rien n’avait corps ; il savait, il n’y avait plus grand chose à espérer, alors qu’il regardait l’Atlantique sur cette terrasse, qu’il se laisserait couler dans l’eau un jour en douceur (pas comme l’autre jour d’en haut de la falaise normande où il s’était raccroché aux branches in extremis en un réflexe de survie incompréhensible et ridicule, non), dans cette moire noire luisante et méditerranéenne plutôt (peut être, qui sait, quelqu’un viendrait le chercher là ? ou bien il n’y aurait personne et çà serait bien aussi), où il flotterait dans l’obscurité d’un sommeil artificiel de plus en plus enveloppant, un beau mensonge funèbre, sans plus rien pour le déranger, ni père, ni mère, ni frères, ni sœurs, et sans rien à dire surtout, c’en était assez. (…) »